Burdinne - Rue du Moinil

Ferme du Moinil - Non repris dans IPIC

Le Moinil est déjà cité à la fin du 14e siècle. Le comte de Namur y possédait un fief de 24 bonniers sis à « Manil » entre Burdinne et Warêt l’Evêque.

« La cense du Moinil estoit si isolée qu’il y fait si hazardeux qu’une personne seule ayant beaucoup à perdre ne sy ozeroit adeventurer ni demeurer continuellement »

(Extrait d’une chronique de 1595, citée dans l’album de Croy - Comté de Namur. 2, Bailliages de Bouvignes, Fleurus, Viesville et Wasseiges, Bruxelles : Crédit communal de Belgique, 1987 (Collection Albums de Croy, 15)

Le « Moiny » est peut-être déjà représenté sur l’album du duc de Croy (1604), et il est repris sur la carte de Jaillot (1750) et sur celle de Ferraris ( 1778).

Depuis la fin du 16e s., les documents ont toujours cité le Moinil comme faisant partie de la communauté de Burdinne et dépendant de ses cours de Justice.

Le plus ancien document faisant état du Moinil est une charte de 1350 citant un certain Lambrekin, fils de dame Agnès, de la seigneurie de la Malaise (un peu plus loin, mais sur la commune de Warêt l’Evêque), relevant le fief du Manil.

Intervient, en 1380, Daniel d’Otreppe, de la cense de Bierwart, qui tient une rente de 10 muids d'épeautre, achetée sur le fief de Manil, tenu par la dame de la Malaise. et ensuite, la famille d’Oultremont (16e S.).

Par les faveurs de son oncle Jean II de Warisoulx, dont il avait la confiance, Gilles d'Oultremont se trouve au début de 17e siècle, tenant la seigneurie de la Malaise.

Pour Gilles, qui habitait la ferme voisine de la Malaise, et qui apercevait le domaine du Moinil depuis sa fenêtre, la tentation était grande de trouver l'occasion de faire entrer ce fief de 24 bonniers dans son patrimoine. Après plusieurs années (depuis 1620) de jeux comptables pour le payement ou non de rentes qu’il devait percevoir de la ferme du Moinil, il s'empresse de "saisir-exécuter" le Moinil le 5 février 1638.

Les sœurs (Catherine, Antoinette et Marguerite) de Gilles d’Oultremont (décédé en 1646, veuf et sans enfants), avaient demandé une visite « judiciaire » de la ferme. L’huissier déclara devant la cour de Burdinne que « tous les bâtiments en très mauvais état réclament d’urgentes réparations et que les campagnes voisines sont très négligées ». Elles acquièrent donc la cense le 24 novembre 1650.

On loua la ferme "à bail" pendant une cinquantaine d'années :

20/04/1660 : les propriétaires sont les 3 sœurs d'Oultremont, représentées par leur neveu Ph. François

                         L'exploitant est Martin de Groyenne (Bail de 3 ans)

12/09/1663 : La propriétaire est Antoinette d'Oultremont, assistée de son neveu Philippe-François

                         L'exploitant est Nicolas Gillot, échevin et son épouse Isabeau Marique (Bail de 2 x 3 ans)

En 1669, nombre de terres du Moinil et des censes avoisinantes sont restées en friche.

27/10/1674 : L'exploitant est Philippe-François d'Oultremont

                         L'exploitant est Arnold Vincent (Bail de 2 x 3 ans)

06/11/1683 : La propriétaire est J-Madeleine de Locquenghien, Vve d'Oultremont

                         L'exploitant est Daniel Lamy et son épouse Anne Tichon

Les « ouvriers d’août » interrogés par le mayeur de Burdinne déclarent que toutes les terres forment « un terroir fort aquatique, défectueux et souvent infertile et infructueux ».

En 1684, un tiers des campagnes du Moinil est marécageux et peu productif, bien qu'on y apporte le même soin qu'aux terres fertiles, et même davantage. Une fois ensemencées, il est impossible de les herser.

En 1697, la cense du Moinil, gérée par la veuve de P.H. François d’Oultremont est en friche depuis plus de trois ans. Elle n’a donné à sa propriétaire aucun profit dans ses cultures, et de plus, les bâtiments ont été entièrement détruits après le siège de Namur par les soldats français présents pendant deux ans au camp d’Acosse.

Outre tout cela, de nombreuses contributions, aides au Roi, charges publiques, rations et réquisitions militaires, lui sont imposées, même sur les biens détruits, ce qui fait que ces contributions ne peuvent être acquittées qu’à tempérament.

En 1694, le Moinil est "saisi-exécuté" pour défaut de payement de la taille foncière (= notre impôt foncier), en même temps par la haute cour et la cour foncière de Burdinne. Les 60 bonniers de la ferme sont en friche, probablement par manque de ressources pour payer des ouvriers agricoles. Le 11 mars 1695, la veuve d'Oultremont peut faire procéder à la levée de cette saisie et à la reprise de la ferme.

30/01/1710 : Le propriétaire est Jean Baptiste d'Oultremont, grand bailli de Moha

                        L'exploitant est Jean Lefèbvre (Bail reconduit en 1719 et partage des profits 50 / 50)

En 1717, un créancier nommé Jacquier saisit la cense du Moinil, mais la même année, le comte d'Oultremont (de la branche de Warfusée) parvient à récupérer le bien.

Les propriétaires fonciers et les censiers  ne se sont pas forcément très enrichis durant cette époque …

Pendant plus de 200 ans, le Moinil restera aux mains de la famille d’Oultremont , qui profitera d'une meilleure situation générale au 18e siècle, et grâce aux jalons posés par leurs prédécesseurs, ils arriveront à reconstituer une grosse partie de leur patrimoine hesbignon.

C'est le comte Jacques d’Oultremont qui fut le dernier propriétaire de la lignée.

Vers 1925, il céda le bien aux De Liedekerke, à l'occasion d'une alliance avec eux. (avec comme exploitants le ménage Massillon-Lespagnard, de 1930 à juin 1935).

En 1935, la famille De Liedekerke revendit  le domaine à la famille Rigo qui l’occupe toujours aujourd’hui.

Naturellement, différents censiers (fermiers) s’occupèrent de l’exploitation au fil des ans.

Parmi ceux-ci, Joseph Chavée l’exploitait durant la première guerre mondiale.

Le 12 août 1914, les allemands avançaient sur tous les fronts. Dans la matinée, un peloton de soldats cyclistes belges en repli, était passé par la ferme et s'était égaré dans les bois vers le grand vivier. 

Par téléphone privé existant entre la ferme du Moinil et celle de la Malaise, Joseph Chavée communiqua à Mr Lorent, (de la Malaise), le passage des soldats belges. Lorent étant bourgmestre de Warêt l'Evêque, il lui appartenait de transmettre toute nouvelle de ce genre au responsable militaire de la place de Huy.

Au milieu de la journée, une escouade d’une dizaine d’uhlans à cheval (lanciers) allemands, commandée par le lieutenant Von Bulow, envahit la ferme du Moinil.

Joseph Chavée fut interpellé concernant les soldats cyclistes belges passés le matin et dont on avait communiqué la situation par téléphone à l'autorité supérieure. Les allemands avaient intercepté la communication de Mr Lorent avec Huy.

Devant la fermeté de Joseph Chavée, ils l’agressèrent, le frappèrent de leur lances et le laissèrent pour mort sur l’escalier menant au logis.

Après avoir fouillé les bâtiments de la ferme, les allemands mirent le feu à la grange, tirèrent sur les occupants qui s'enfuyaient, et disparurent vers la grand route de Bierwart.

Un des domestiques de la ferme, Victor Frison, fut grièvement blessé d'une balle dans le dos. Le fermier lui-même, Joseph Chavée, fut retrouvé mort dans sa maison en flammes par un témoin, Jules Dethier. La victime portait à la jambe une blessure grave ayant provoqué une hémorragie…

En fin de journée, les allemands revinrent piller le Moinil et la Malaise (ferme voisine) et emmenèrent 27 chevaux.

Deux jours plus tard, Mr Chavée fut enterré à Burdinne au cours d'une cérémonie émouvante; le cercueil était porté par ses fils.

Un des témoins de Burdinne, le bourgmestre Hougardy a déclaré à Mr. l'avocat Soukin, délégué de la commission d'enquête, que le 18 août, le lieutenant Von Bulow qui logeait chez lui, lui avait annoncé qu'il allait faire brûler le village de Waret-l'Evêque où les civils avaient tiré sur ses troupes. 0r, le lendemain 19 août, un quartier de Waret-l'Evêque était détruit par le feu. Il y a donc tout lieu de croire qu'il y eut préméditation.

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La ferme du Moinil
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Burdinne
15e siècle
Immobilier
Patrimoine rural » Les fermes
50.56677511314483 ; 5.0643110275268555